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RENE AUBRY par YVES SIMON

La musique traverse l’air et les corps, elle ne s’adresse à personne. Elle est la musique qui va à la rencontre de l’inconnu. Elle n’est pas là pour convaincre ou conquérir, et lorsqu’elle bouleverse les coeurs, c’est pour rappeler que la vie est ardente, que les êtres et les étoiles peuvent être reliés par des passerelles invisibles. Elle avance dans le monde et entoure nos vies comme autant d’anneaux de pouvoir, pour nous rendre invincibles. La musique ne choisit pas qui va l’aimer, chacun est libre de s’en détourner ou de l’accepter, elle envahit les mémoires et s’installe au milieu de nos souvenirs, chez elle, puisque de toute éternité elle aurait toujours du être là et que seules des circonstances humaines l’en ont momentanément délogée. Sa place est à l’intérieur de notre histoire, comme l’haleine du vent, le ressac des océans, le grondement des orages.

René AUBRY a inventé une alchimie mystérieuse de sons et de mélodies qui un jour ont commencé de traverser le monde comme s’il allait de soi de voler par delà les nuages avec l’unique but d’envelopper plus doucement les choses. Cette musique, comme une nouvelle amante, semble rappeler des souvenirs enfouis, un autrefois, un ailleurs et fait surgir une kyrielle de menus faits, l’esquisse d’un geste, un parfum, le regard furtif d’une passante.

La première fois que le hasard me fait entendre ces étranges sonorités, elles accompagnaient un portrait télévisé de Jean GENÊT.

Je cherchais aussitôt le réalisateur, le producteur du film afin que l’on me révélât le nom du compositeur qu’un générique impoli avait oublié. Lorsque je pus me procurer le précieux compact-disc que j’écoutai en boucle des jours et des jours, je retrouvai à chaque audition le même étonnement, une même disposition d’esprit m’incitant à glisser vers des mondes proches, parallèles, d’où sourdaient des sentiments inédits vers des paysages que cette musique inventait à chaque détour pour moi. Car elle restitue les petites galaxies de l’enfance, celles des parades amoureuses, les rires, les mélancolies avec des robes en dentelle et des masques vénitiens où le solennel et la naïveté se mêlent comme les voix et le souffle, le banjo et le bandonéon. Quels mots, quels romans furent écrits en écoutant Dérives, Steppe ou encore Après la Pluie…. Quels réseaux secrets existent entre musique et écriture pour que des voies mystérieuses les nourrissent et parviennent à faire vibrer les coeurs comme les âmes des violons ?

Il faut remercier les envoûteurs, ceux qui réenchantent le monde, leur lancer des messages de bienvenue, leur dire encore et encore qu’ils ajoutent des raisons à nos existences et que sans eux notre unique et long chemin resterait couvert d’un peu plus de ronces et de larmes.